jeudi 7 septembre 2017

Analyse des ordonnances Macron - 1/4 - Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective



  • Primauté de l’accord d’entreprise et bloc de compétence réservé à la branche
L’accord d’entreprise prévaut sur la branche
Le projet d’ordonnance poursuit et généralise « l’inversion de la hiérarchie des normes » commencé par la loi El Khomri en faisant prévaloir l’accord d’entreprise sur l’accord de branche. Ainsi dans la plupart des domaines du code du travail l’accord d’entreprise peut déroger à l’accord de branche de façon défavorable.
Ce principe comporte des exceptions sur certains sujets réservés à la branche. 

Pas d’exception liée à la date des accords d’entreprise ou de branche
Dans tous les domaines qui ne relèvent pas du domaine exclusif de la branche ou de sujets verrouillés par la branche, les dispositions défavorables des accords d’entreprise prévalent sur les accords de branche, quelle que soit la date de l’accord d’entreprise. Ainsi les accords d’entreprise peuvent déroger également aux accords de branche conclus avant le 6 mai 2004.

Rapports entre la branche et la loi
Concernant les rapports entre la loi et la branche, cette dernière peut déroger de façon défavorable aux règles légales sauf lorsque celles-ci sont d’ordre public. Pour savoir quelles règles sont d’ordre public, il faudra se reporter aux règles du code du travail en question (dans la version du code du travail issue des ordonnances).
Exemple : pour les CDD, les dispositions légales prévoient que la branche peut fixer elle même la durée du CDD, le nombre de renouvellement et le délai de carence entre deux CDD. Ce n’est qu’à défaut d’accord de branche que les limites prévues par la loi sont applicables. Ainsi, dans ces domaines une convention de branche peut prévoir des dispositions moins favorables que la loi (ex. : un CDD de 2 ans renouvelable 4 fois sans délai de carence).
Le même principe s’applique aux rapports entre les accords d’entreprise et la loi. Ceux-ci peuvent déroger de façon défavorable à la loi sauf dispositions légales d’ordre public
  • Primauté de l’accord d’entreprise sur le contrat de travail
L’ordonnance prévoit que certains accords collectifs pourront modifier le contrat de travail du salarié sans son accord. C’est la fin du principe de faveur, selon lequel entre deux clauses (une issue de l’accord collectif et l’autre du contrat de travail), c’est la plus favorable qui prévaut.
C’est valable pour tous les accords collectifs qui sont conclus en vue de préserver, ou de développer l’emploi, ou qui répondent aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise. Autant dire que tous les accords d’entreprise sont susceptibles de rentrer dans ces critères ! Et que ces accords pourront remplacer des plans de sauvegarde de l’emploi !

Cet accord d’entreprise pourra porter sur : 
  1. L'aménagement de la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition, 
  2. La rémunération de base et tout autre avantages ou accessoires du salaire,
  3. La mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. 
Contrairement aux accords de maintien de l’emploi de 2013, il n’est même plus prévu une contrepartie obligatoire sur la rémunération des dirigeants et les dividendes des actionnaires.

Si le salarié refuse la modification de son contrat de travail, son licenciement repose automatiquement sur une cause réelle et sérieuse. 
OUF, le gouvernement a tout de même prévu que le salarié aurait droit aux allocations chômage… Unique et ridicule contrepartie à ce licenciement : l’employeur devra abonder le compte personnel de formation selon des modalités à déterminer par décret (100 heures selon les annonces du gouvernement)
  • Le délai de l’action en nullité contre un accord collectif sera très court :
Toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord doit être engagée sous peine d’irrecevabilité dans un délai de deux mois à compter de la notification ou de la publication.
Le juge peut décider que l’annulation ne vaut que pour l’avenir et n’est pas rétroactif.
Les accords collectifs en lien avec des licenciements collectifs pour motif économique ou un plan de sauvegarde de l’emploi gardent leurs spécificités.
  • Négociation en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise
L’ordonnance modifie les règles de négociation en entreprise en l’absence de délégués syndicaux.
  1. Les entreprises de moins de 50 salariés pourront désormais négocier sans délégués syndicaux sur tous les sujets ouverts à la négociation (avant c’était sur certains points uniquement).
  2. Dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur pourra directement procéder à un référendum auprès des salariés pour faire valider un projet d’accord collectif. Dans une entreprise d’une si petite taille, on imagine à quel point le secret du vote peut être respecté ! 
  3. Dans les autres entreprises, les règles divergent un peu en fonction de leur taille, mais l’idée globale est la même : ce sera soit des membres élus du conseil social et économique (CSE) qui pourront négocier (mandatés ou non par une organisation syndicale), l’accord sera alors valide si les membres du CSE signataires représentent la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.
En l’absence de membres élus du CSE, ou si ces derniers n’ont pas souhaité négocier, ce sera alors des salariés mandatés suivi d’un référendum dans l’entreprise.

On est donc bien loin des accords signés par des syndicats majoritaires ! Tout est bon pour obtenir des accords d’entreprise qui pourront déroger aux accords de branche !
  • Référendum à l’initiative de l’employeur
Contenu de la loi travail El Khomri :
Lorsque qu’un accord d’entreprise ou d’établissement a été signé par des organisations syndicales représentatives minoritaires ayant recueillies plus de 30% des suffrages. Celles-ci disposent d’un délai d’un mois à compter de cette signature pour manifester leur intention de procéder à un referendum des salariés pour valider l’accord.
Rajout de l’ordonnance :
Au terme de ce délai d’un mois, l’employeur peut organiser ce referendum à moins que l’ensemble des organisations signataires qui ont signés ne s’y oppose. 

POUR CONCLURE
 
Cette ordonnance poursuit donc le travail entamé dans la loi El Khomri dans l'inversion de la hiérarchie des normes et enfonce le clou en mettant fin au principe de faveur
Les motifs de licenciement se verront simplifiés et les recours raccourcis. 
Enfin, comme nous le verrons dans l'analyse de l'ordonnance relative au dialogue social, la négociation exclura la possibilité de recourir aux délégués syndicaux.

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